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RCM N° 231
Sept. / Oct. 2013

BAO TRAM

Barque vietnamienne des marchés flottants


Avec les indiens, ma dernière barque ou plus exactement canoë, non plus aux avirons mais à la pagaie cette fois (RCM n° 2) je pensais avoir épuisé le sujet. C'est par hasard, en fouillant sur le Net que je suis tombé sur les jardins flottants vietnamiens. J'ai été séduit par ces embarcations typiques chargées de fruits et de légumes qui s'agglutinent pour former un véritable marché. J'ai bien aimé le fait que la patronne pousse sur les avirons plutôt que de tirer, ça a au moins l'avantage de voir où on va.

Avant de me lancer dans cette nouvelle aventure j'ai cherché, par l'intermédiaire d'un montage à blanc, à savoir si le mouvement était réalisable. La hauteur du point de poussée des avirons par rapport aux tolets ou dames de nage change complètement la donne et il me fallait vérifier la faisabilité de cette nouvelle position. Le point qui m'a posé le plus de problème réside dans la façon de fixer l'aviron à la partie fixe verticale tout en lui laissant tous ses mouvements verticaux et horizontaux. Cette fixation devait aussi permettre le démontage de l'aviron pour le transport.

J'ai tendance, au départ, à tout voir compliqué. Avec le temps et les nuits d'insomnie je fini toujours, de simplifications en simplifications, à trouver le truc tout bête auquel j'ai honte de ne pas avoir pensé plus tôt. Pour les personnages animés, j'en ai maintenant tellement à mon actif que je ne prends plus beaucoup de risques. Seul défi rajouté pour cette petite vietnamienne, je voulais que la tête reste horizontale malgré le mouvement du buste en avant que nécessitaient la poussée sur les avirons. Elle pourrait tout de même regarder à droite et à gauche les deux mouvements pouvant être conjugués. Là encore, simplicité oblige, un parallélogramme à l'intérieur du torse a fait l'affaire.


LA BARQUE

Tous ces points critiques résolus, au moins sur le papier et quelques tests en 3D j'ai attaqué la barque elle-même. Pas de problèmes spéciaux pour la carène, 1.43m de long, un fond plat et trois bordés jointifs à bâbord et à tribord, quelques couples pour faire joli. Calfatage, ponçage et peinture ont fait le reste Le fond, côté extérieur, a été équipé de quatre patins pour qu'au sec la sole soit éloignée de l'humidité possible et que le séchage puisse s'effectuer dans de bonnes conditions.

Aucune finition au 600 et à l'eau n'est nécessaire, au contraire. Ces barques sont des constructions artisanales locales faites avec les matériaux trouvés sur place et avec des outils d'un autre siècle, donc pas besoin d'huile de coude, ça nuirai à l'authenticité. Pareil pour les appuis et les avirons qui restent volontairement rustiques.
Le plancher utilisé par la patronne ainsi que l'ensemble du pontage destiné à la présentation de la marchandise est découpé dans du sapin à la dimension de planches à l'échelle qui sont ensuite collées sur un CTP de 1,5m/m pour les solidariser et permettre un démontage facile.


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Sur le fond, une marotte,
deux couples et le tableau

L'ossature prend forme, notez la forme allongée
de la marotte et du tableau typique des barques asiatiques.

Vue arrière de la structure

MECANISME ET RADIO

Pour la mécanisation et l'électronique je ne vais pas raconter une nouvelle fois tout ce que j'ai déjà écrit et expliqué sur le fonctionnement des avirons, les lecteurs des magasines RC Marine et M.R.B., les bibles du modélisme connaissent bien le sujet et je vais être bref, d'autant que les modélistes intéressés peuvent se reporter aux numéros des magasines que j'ai cités, les croquis, les dessins et les plans sont à disposition. Le mouvement en direction de l'aviron est transmis par une corde à piano de 3mm de diamètre. Elle fonctionne comme une bielle. D'un côté une came ronde d'entrainement assujettie au moteur, de l'autre la fixation par rotule sur l'aviron et au centre le point de coulisse articulé. Les cordes à piano sont filetées dans les bouts et des chapes appropriées permettent un réglage plus pointu. Il faut bien sûr écrouir les bouts de la corde à piano pour pouvoir les fileter.

Au début de mes pérégrinations j'avais des problèmes avec la vitesse de rotation des moteurs. Bien qu'identiques et compte tenu de la démultiplication, un arrivait souvent avant l'autre et il fallait constamment gérer sur les sticks à l'émission pour que les deux avirons repartent en même temps. Il faut peu de chose, un dur, un serrage dans une articulation et c'est suffisant pour être obligé de stopper un aviron jusqu'à ce que son vis-à-vis soit face à lui pour un nouveau départ.

J'ai solutionné le problème en incluant au mécanisme une bidouille électronique baptisée temporisation, basée sur le système des essuie-glaces. Avec un bon réglage, même si un aviron arrive en retard, ils repartent tous les deux en même temps, sans être obligé de corriger avec les manches. Tant que le manche est maintenu l'aviron s'arrête et repart, ça facilite la manœuvre. Je dois dire que ces décalages contrôlés apportent plus de réalité au mouvement, le geste semble moins mécanique, moins automatisé.

L'ensemble avirons personnage est animé par une radio Graupner, à la réception 3 servos, un pour chaque aviron et un pour la tête de la patronne. Là où je n'ai pas encore simplifié c'est dans l'alimentation. Je dispose de trois batteries, une 7,2v alimente les deux moteurs d'avirons, une 6v est réservée à la réception radio et une 4,2v permet le fonctionnement du cadenceur. Un potentiomètre règle l'alimentation nécessaire aux avirons pour une évolution sur l'eau, au sec il n'y a pas d'effort donc pas besoin de beaucoup de courant pour perfectionner les réglages.

Chaque servo est équipé d'une came saisie sur le palonnier d'origine. Sa forme permet d'actionner des micros switch qui inversent le sens des moteurs et permettent d'obtenir la marche avant, marche arrière, pour chaque aviron.

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Vue avant du mécanisme

Le même vu de l'arrière

 

LE PERSONNAGE

Ma petite vietnamienne mesure 54cm. La construction est classique et bénéficie de l'expérience acquise à la construction de mes nombreux autres personnages. Pour la tête je prépare le modèle en Plastiline, terre à modeler moderne et récupérable. Quand je suis satisfait je fais un tirage en Elastomer en deux parties, face et nuque. Dans ces deux moules en creux je tire deux pièces en fibre de verre et résine, j'assemble ensuite les deux pièces, la tête est creuse et donc légère, c'est le but recherché. Pour les mains et les pieds, l'approche est la même mais le coulage se fait par remplissage avec une résine dite " résine de coulée ". Tous ces produits sont disponibles chez Rougié Plé et autres fournisseurs du même genre.

Le corps est constitué de contreplaqué habillé de balsa. Les jambes sont débitées dans un bloc de basa et les bras sont articulés épaule, coude, poignet même matériau. Dans le torse qui est creux un servo actionne la tête dans les deux sens horizontaux. Le système de parallélogramme indiqué plus haut est en contact avec le dessous du menton et maintient la tête horizontale quand le buste se penche vers l'avant attiré par les avirons et non le contraire mais la supercherie passe bien. C'est aussi sur le Net que j'ai copié les vêtements de façon à rester au plus près des habitudes vestimentaires du Vietnam. Je les ai coupés à la demande et j'ai loué les services de Madame pour assembler tout ça à la machine. Le chapeau vietnamien n'est pas si facile que ça. Après avoir réalisé la forme dans un rond découpé dans du carton entaillé d'une part je l'ai cerclé avec un fil de laiton. J'ai ensuite habillé le tout de lés de papier gaufré pour masquage de peinture. Le résultat est satisfaisant

Pour les légumes et les fruits c'est encore sur le Net, on ne peut plus s'en passer, que j'ai élargi mes connaissances. J'ai découvert de nombreux fruits dont j'ignorais même l'existence, pareil pour les légumes, maintenant je saurais presque les cuisiner… J'ai fabriqué certains de ces légumes et de ces fruits en pâte à sel sans chercher trop la ressemblance et le plus long a été de les peindre pour leur donner le cachet final. Pour d'autres fruits et légumes la nature m'a fourni une partie de l'élément terminé. Pour la petite histoire les melons d'eau et les pastèques sont les cosses d'un fruit que je ne connais pas et que je n'ai d'ailleurs jamais vu. J'ai ramassé ces cosses vides au pied d'un arbre. Les litchis sont des cosses de glands collées entre elles. Les tomates sont des boutons de porte et les aubergines des noisettes. Les citrons, les oranges et le bananes sont en mousse de polyuréthane expansé. Comme quoi… Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. (Lavoisier-Anaxagore)

Près du but je me demande si je ne vais pas fabriquer un deuxième personnage pour placer à l'avant. Peut-être une autre jeune vietnamienne avec une ombrelle, le tout équipé pour fonctionner. Ce sera pour après la mise à l'eau et les essais.

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On distingue bien les mécanismes
qui transmettront le mouvement.

Premiers essais du fonctionnement
des avirons

Ma petite vietnamienne est prête
à rejoindre l'embarcation


LES ESSAIS SUR L'EAU

Enfin le grand jour est arrivé. Après un mauvais temps persistant et une mini canicule le créneau souhaité s'est présenté. Une journée ensoleillée avec de beaux gros nuages, pas de vent et une température raisonnable, l'idéal pour un premier test.

De bonne heure au plan d'eau de la base de loisirs de Cergy, où le club " Hippocampe " auquel j'appartiens, a ses habitudes, je suis arrivé le premier. La veille j'avais fait part de mes intensions à deux amis pour qu'ils viennent prêter main forte à cette première mise à l'eau. Les voitures ne sont pas stationnées très loin de la rive mais l'encombrement de ce genre de réalisation nécessite des bras pour approcher maquette et matériel. Un trio est le choix idéal, deux pour transporter la barque qui doit rester horizontale et le troisième pour immortaliser le premier contact avec l'élément liquide.

Le montage des avirons, démontés pour le transport, un dernier essai au sec pour s'assurer que tout fonctionne et aidé de Roberto j'ai approché " Bao tram " de sa destination finale pour un premier contact. Je n'étais pas anxieux mais j'étais confronté à une incertitude primordiale. Une fois la barque mise à l'eau, à quelle hauteur allaient se trouver les avirons au repos par rapport à la surface de l'eau. Trop haut ils ne brasseraient pas l'eau suffisamment, trop bas ils ne sortiraient pas complètement et freineraient la progression, la barque n'avancerait pas. Cette hauteur avait été déterminée en atelier et c'est la partie pifométrique qui me souciait un peu. Je m'étais tout de même réservé des possibilités de réglage au cas où.

Une poussée vers le large et " Bao Tram " est dans son élément. Premier constat, les avirons semblent à la bonne hauteur, c'est de bon augure. Les deux sticks de l'émetteur poussés vers l'avant et la première brasse fait progresser l'embarcation tout à fait convenablement. Nouvelle poussée et Bijou précieux file sur son erre à bonne vitesse. Je savoure le moment. Je crois que Corneille dans le Cid fait dire à Rodrigue : " Il y a des coups d'essais qui valent des coups de maître " (a vérifier quand à la source). Pour des essais je ne pouvais espérer mieux. Rien à retoucher, c'est bien la première fois que ça m'arrive.

La barque glisse doucement en laissant la trace circulaire et momentanée des avirons sur la surface de l'eau. J'enchaîne les coups d'avirons sans problème, la petite vietnamienne semble bien se sortir de la tâche qui lui a été confiée. La satisfaction est totale et je suis assez loin pour faire le premier demi-tour. Un aviron trainant dans l'eau et l'autre en action l'embarcation effectue un large cercle et se retrouve face à nous. J'en profite pour m'assurer que la tête de ma rameuse regarde bien à droite et à gauche. C'est ce retour que le photographe mitraille. Revenu près du bord je décide un nouveau demi-tour mais cette fois ci avec un aviron qui brasse vers l'avant et l'autre vers l'arrière. La barque fait pratiquement un demi-tour sur place. Je passe ainsi une dizaine de minutes à effectuer différentes manœuvres. Je peux notamment freiner l'erre, voire reculer en laissant tremper les deux avirons dans l'eau.

En fin d'essais j'ai constaté qu'un des avirons ne fonctionnait pas à chaque sollicitation. De retour à l'atelier j'ai constaté que, simplement, j'avais malencontreusement déplacé le curseur d'un trim et le servo n'allait plus assez loin pour comprimer le micro switch déclencheur de mouvement. C'est peu de frais si l'on considère le total de travail mis en œuvre pour que l'ensemble fonctionne. A la prochaine mise à l'eau il faudra contrôler l'emplacement des curseurs.

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Ce n'est pas au Vietnam mais en France, sur la base de loisirs de Cergy ou le club CMNC - Hippocampe a ses quartiers.

CONCLUSION

Contrairement à mon habitude cette fois-ci je suis satisfait. Pas de gros travaux à prévoir, simplement quelques détails à peaufiner. Je fais partie de ces anciens modélistes de moins en moins nombreux qui construisent entièrement leurs maquettes. L'évolution du modélisme tend vers le " Ready to… " Acheté le vendredi, à l'eau le samedi, coulé le dimanche ou rangé définitivement. C'est une autre approche.

Personnellement 90% de mon plaisir réside dans la construction, la mise au point, l'innovation. Les 10% restant à faire des ronds dans l'eau sont surtout destinés à amuser les spectateurs éventuels. Voir sourire les gens devient rare et je suis content quand j'obtiens ce résultat.

Bien sûr des réalisations de ce genre demandent du temps, il vaut mieux être retraité. Il faut pouvoir les transporter, se faire aider, les stocker, être équipé en outillages divers et avoir un endroit qui ne craint pas la poussière… Autant de freins qui entraînent vers plus petit et tout fait. Mais il reste les clubs qui sont à la disposition des mordus, des indéracinables et, espérons le, de la génération à venir. Pour mon compte j'ai déjà un autre projet sur la planche et pour d'éventuels intéressés par le modélisme naval, rendez-vous sur le site " CNMC-Hippocampe " vous découvrirez une autre vue que le " Ready To… "

Ce modèle fait l'objet d'un article très détaillé accompagné de photos de la construction dans le n° RC Marine n° 231 de septembre / octobre 2013.

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